Le paysage dans la peinture de Martin Vivès

A la différence du monde oriental, le paysage n’est devenu un genre autonome en occident que tardivement et progressivement, c’est un processus qui débute avec la Renaissance pour atteindre son paroxysme entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle. A cette période, le paysage est devenu un genre majeur grâce à des mouvements tels que le néo-classicisme, le romantisme, l’impressionnisme, le fauvisme, le cubisme, le surréalisme qui s’appuient sur ce sujet pour mettre en forme des réflexions plastiques: les rapports entre forme, couleur et lumière, le traitement de la touche, la composition ; mais aussi esthétiques : les rapports art, idéal et réalité, les questions de l’observation, l’imitation, l’interprétation et de l’évocation, la question du Beau et du sublime, celle du sensible et du sensoriel, la place de la raison et de l’affect … Le paysage a été au centre de toutes les révolutions artistiques. L’affirmation de l’abstraction dans le courant du XXème siècle a semblé remettre en question le principe de figuration et par là-même tous les sujets habituels de la peinture, le paysage en premier lieu. La pensée unique qui accompagnait certaines démarches artistiques contemporaines imposait un diktat selon lequel l’art ne peut résider que des rapports entre couleur- médium-intention. Plus de sujet. Plus de paysage. Le paysage était-il mort pour autant ? Non, quelques peintres, évitant les modes, ont persisté dans un traitement du paysage parfois jugé désuet ou « facile». C’est le cas de peintres roussillonais tels que Martin Vivès, Camille Descossy, Henri Escarra, Susplugas. Le retour évident du paysage dans les mouvements récents de la peinture montre que le temps leur donne raison…

Martin Vivès a placé le paysage au centre de son œuvre mais ce qui est une évidence s’est transformé en idée reçue voire en préjugé… « Martin Vivès, le peintre du paysage et du bonheur ». Cet aveuglement a empêché tout questionnement autour du paysage dans la peinture de Martin Vivès portant sur le pourquoi, le comment et sa finalité. Certes l’œuvre doit garder son mystère mais les écrits de Martin Vivès ont laissés des pistes qu’il convient de suivre pour mieux appréhender sa peinture et la redécouvrir avec le regard qu’elle mérite.

Ce qui peut de prime abord apparaître comme un traitement désuet du paysage, ce que d’aucuns auront qualifié de peinture du « bonheur », de peinture « facile » est un fait un leurre… ou plutôt cache un traitement du paysage beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.

Martin Vivès a fait du paysage un thème central pour différentes raisons.

Tout d’abord il y a un penchant naturel de Martin Vivès pour ce sujet. Les peintres qu’il cite le plus dans ses écrits sont les maîtres incontestables du paysage : Cézanne, Corot. Turner, Jongkind mais aussi Poussin, Daubigny, Gauguin, Van Gogh et les nabis. Il est remarquable de souligner que tous ont proposé une vision très différente du paysage. Martin Vivès s’appuie clairement sur leur peinture pour construire et faire évoluer son propre langage, l’influence des grands maîtres du paysage souligne que « tout est bon en art pour qui sait assimiler ».

Cette peinture est une interprétation du Concert Champêtre, dans ce tableau les personnages occupent une place majeure. Le site du Louvre propose ce commentaire de la scène : « Ne peut-on pas voir dans ce face à face entre les deux instrumentistes le thème du tableau ? Ne s’agirait-il pas d’une scène initiatique où le jeune berger serait saisi au moment où il délaisse la joueuse de flûte, instrument de Dionysos qui, dit-on, excite les passions humaines, pour se tourner vers le joueur de luth, instrument apollinien qui élève l’esprit »..Mais que dire du paysage? Il est loin d’être secondaire, il clôt la scène d’une végétation ouatée, il déchire de ciel tourmenté dans un éclair. Ce paysage reflète le combat de la raison et de la passion. La composition de Martin Vivès respecte celle du tableau initial: même nombre de personnages, un tronc, un bosquet, une colline avec une maison, mais il l’assimile, en tire la leçon, puis, prend ses distances. L’œuvre est plus petite, les personnages sont inversés, l’ensemble est simplifié pour ne garder que cette sérénité mélodieuse et le chatoiement des couleurs en particulier le sang et or du ménestrel. Le jeune berger s’efface, noyé dans le paysage, au profit du Ménestrel et des deux baigneuses. Le paysage devient l’élément central absorbant la scène. Martin Vivès fusionne personnage et paysage, histoire et morale. Par ce procédé, Martin Vivès brise ce faux semblant de sérénité, il révèle le déchirement des passions humaines dans cadre intranquille de la nature. .. Martin Vivès propose une interprétation panthéiste du Concert champêtre mais aussi du Déjeuner sur l’herbe de Manet. Le concert champêtre devient un paysage animé de passions humaines.

Cette oeuvre souligne les influences des Maîtres sur le travail de Martin Vivès. Il précise dans un de ses feuillets « Penser à Corot » ou « J’ai trop pensé à Bonnard… ». Ses réflexions montrent à quel point la leçon des maîtres pénètre sa création. D’ailleurs pour lui « Le loup est toujours du mouton digéré ». Cependant il ne s’inspire jamais des maîtres pour les copier encore moins pour les détruire mais pour s’en imprégner, les assimiler afin de suivre son propre sillon. C’est un héritage que Martin Vivès fait fructifier, ce que le philosophe Merleau-Ponty présentait en ces termes : « l’héritage en ce sens n’est rien d’autre que le devoir de recommencer autrement et de donner au passé, non pas un survivre qui est la forme hypocrite de l’oubli, mais l’efficacité de la reprise ou de la répétition qui est la forme noble de la mémoire ». Dans cet héritage, Cézanne occupe sans aucun doute la place la plus importante « mon ami, mon maître, j’ai ignoré pendant des années que je cherchais ce qu’il a trouvé ».

Toutes ces influences se retrouvent par touches librement interprétées. « Si j’ai pratiqué diverses techniques c’est pour en acquérir l’expérience mais sans en devenir l’esclave ». De fait, la Nature est au centre de l’œuvre de Martin Vivès lui-même l’affirme : « Mon œuvre aura toujours eu le même thème : la nature qui est stabilité dans la diversité. C’est le mode d’expression qui aura au fil des années changé. Mais le fil conducteur aura toujours été le même ». Le paysage de Martin Vivès ne propose pas une copie illusionniste ou illusoire de l’environnement mais une réinterprétation. En effet, pour Martin Vivès la nature n’est pas un sujet à imiter, elle n’est qu’un support pour évoluer techniquement. Elle reste ce repère fixe dans une création en perpétuel questionnement et changement.

Toutes ces influences se retrouvent par touches librement interprétées. « Si j’ai pratiqué diverses techniques c’est pour en acquérir l’expérience mais sans en devenir l’esclave ». De fait, la Nature est au centre de l’œuvre de Martin Vivès lui-même l’affirme : « Mon œuvre aura toujours eu le même thème : la nature qui est stabilité dans la diversité. C’est le mode d’expression qui aura au fil des années changé. Mais le fil conducteur aura toujours été le même ». Le paysage de Martin Vivès ne propose pas une copie illusionniste ou illusoire de l’environnement mais une réinterprétation. En effet, pour Martin Vivès la nature n’est pas un sujet à imiter, elle n’est qu’un support pour évoluer techniquement. Elle reste ce repère fixe dans une création en perpétuel questionnement et changement.

De ce fait, dans les paysages, Martin Vivès décline toutes ses recherches et toute sa virtuosité technique. Le premier aspect de cette virtuosité est la qualité de la composition. Elle est singulièrement remarquable : le peintre limite les centres d’intérêts à un ou deux, excentré comme ci-dessus la plage de Canet … ou centré.

Le peintre dépouille le sujet, élimine le superflu. Parfois il place plusieurs centres d’intérêt sur plusieurs plans comme sur ce paysage de Latour de France : les arbres s’écartent comme un rideau de scène pour laisser place au village simplifié selon les règles cézannienne.

Enfin certaines compositions détachent le centre d’intérêt d’un point de fuite c’est le cas avec la rue Rabelais : le centre d’intérêt est la tour mais le point de fuite est au bout de la rue. D’ailleurs l’aspect surdimensionné des murs en cayrous et des bâtiments prête au tableau des traits d’antimonde ou de « supra-monde » en introduisant des dissonances dans l’équilibre naturel de la composition. Donc le tableau n’est pas la Nature, il est un champ d’expérimentation plastique et esthétique, parallèle à la « vraie » Nature.

De surcroît, Martin Vivès vise à épurer son œuvre pour n’en conserver que l’essence. Cette démarche est complètement réfléchie : « Repris paysage « matin de printemps » supprimé maisons à droite pour n’avoir qu’un centre d’intérêt ». Ce modèle de composition permet une structure rigoureuse mais aussi extrêmement harmonieuse et délicate. Cette architecture claire, précise ordonnée n’est pas sans rappeler les compositions de Corot mais surtout assimilent la leçon de Cézanne.

Ce centre d’intérêt conjugue souvent la verticalité (des arbres, une tour, un clocher…) et l’horizontalité (un pont, un cabanon, une toiture, un chemin, un feuillage retombant, un trottoir, ci-dessus une voile répond à la plage) puis autour de cette composition se structurent des équivalences ou des contrastes de couleur… parfois les quelques personnages animent l’œuvre semblent se perdre dans la masse du paysage.

Nous pouvons ainsi aborder le deuxième aspect de sa virtuosité technique : le traitement de la couleur. Autour du sujet principal, les couleurs se répondent et s’ordonnent, elles forment un ensemble évoluant entre figuration et abstraction : on reconnaît des collines, des arbres, des maisons mais ces motifs sont moins nets que le motif central, ils semblent effacés. La couleur et la forme se fondent. Par ailleurs, les touches de couleurs ne sont jamais placées au hasard, les couleurs foncées placées sur les bords ou selon un parcours visuel précis permettent de mettre en valeur les espaces de couleurs plus claires. Les rapports entre couleurs créent la lumière et la forme, soulignent tel ou tel aspect du sujet mais, et c’est tout à fait étonnant, brouillent la perspective. Les couleurs guident l’œil dans l’œuvre selon un cheminement toujours recommencé. Ainsi, selon l’éclairage donné à une œuvre, mettant en valeur soit le bleu, soit le vert, soit l’ocre, soit le rouge, une même œuvre peut vous attirer au fond du paysage ou vous faire glisser de droite à gauche. Parfois la perspective peut disparaître presque complètement, la plage de Canet, présentée ci-dessus mêle la mer et la terre dans une même palette, il y a un effet de miroir abolissant la perspective, de ce fait, la mer et le ciel prennent le dessus sur la plage, portant située au premier plan;

La peinture des paysages permet à Martin Vivès de souligner le rapport, les correspondances, la résonance et la vibration des couleurs entre elles; souvent il précise :

« Dans un pré, à contre-jour accentuer les contrastes vert très très clair et arbres foncés (…) Continuer recherches vert et violet, essayer terres et vert, terres et violet avec notes claires sur le tout (…) Faire une toile en vert bleu et blanc jaune sans rouge » « Le Castillet avec la foule. Quand il y a les tentes rouges et beiges, des tons chauds. Fin d’après-midi. Des bleus, des orangés. Beaucoup de foule. »

« Eviter l’abondance des couleurs et des formes. Choisir la dominance pour obtenir l’unité et un accent profond. »

La richesse des huiles montre l’intensité du travail préalable. Martin Vivès peignait en atelier, jamais en extérieur. En revanche il esquissait toujours en extérieur. La masse incroyable de croquis montre le processus de création. Les croquis pris sur le vif sont très simples mais recherchent un angle, un mouvement, un objet de ravissement puis succèdent différentes variantes plus ou moins élaborées (on y distingue nettement la volonté de simplifier le sujet) avec des indications de couleurs, puis arrive la composition en atelier avec de nombreux repentirs.

« En voyant mes toiles semblables à un premier jet (on ne peut) se douter du travail de représentation et aussi des innombrables transformations qu’elles ont subies depuis l’esquisse jusqu’à l’achèvement. Le spectateur non averti ne voit qu’un visage souriant. Il ignore l’effort caché, les angoisses et les inquiétudes que ce visage dissimule. »

Toutes ces indications montrent à quel point les éléments du paysage ne sont qu’en fait un prétexte pour mettre scène la couleur et les variations techniques. La Nature n’est pas le sujet d’étude de Martin Vivès c’est la peinture elle-même qui en est le sujet. Ce que d’ailleurs Martin Vivès souligne en écrivant « Je ne me soucie pas du ton local seule compte pour moi la valeur picturale. »

Les paysages ne sont rien d’autre que de la peinture. Pourtant les recherches de Martin Vivès ne l’ont jamais coupé du public là aussi la démarche est volontaire :

« Je voudrais reculer toujours les limites de mes possibilités et que l’ensemble de mon œuvre fût ouverte à toutes les curiosités à condition toutefois qu’elles soient accessibles au spectateur cultivé et aussi à l’ignorant sensible. »

Outre le fait que le paysage constitue pour Martin Vivès le support d’une recherche plastique, il démontre aussi la sincérité de l’artiste. Les paysages de Martin Vivès ne sont pittoresques qu’au sens strict du terme à savoir « digne d’être peints ». Certes, Martin Vivès repris des paysages célèbres comme le clocher de Collioure, le Racou, le Canigou mais le nombre de ces sujets est en fait très limité. Martin Vivès n’a pas dévoyé les célèbres paysages (que dis-je ?… les icones !) pittoresques pour en faire « un fonds de commerce ». Flatter la fibre identitaire pour vendre est loin de la conception que Martin Vivès se faisait de la peinture. Sincérité sans concession au marché de l’art voilà son maître mot. De ce fait, le clocher de Collioure a été assez peu peint et souvent de façon décalée, il reste ça et là quelques études mais la technique importe plus que le sujet. Pis, Martin Vivès s’appuie sur les paysages de Catalogne pour les reconstruire. « on peut composer en prenant des éléments de plusieurs paysages (mon paysage du Roussillon est de ce type )…donc on est bien loin d’une vision commerciale du paysage. Le peintre qu’on croyait conservateur est un iconoclaste !

En fait, les paysages pittoresques favoris sont ceux du quotidien. L’intime paysage devient l’ultime sujet. Ils sont toujours matière à des variations techniques. Ainsi les remarquables déclinaisons du village de Latour de France soulignent la complexité des recherches plastiques de Martin Vivès: le même angle de vue est traité façon expressionniste, cubiste ou fauve tout en distillant des références discrètes à ses peintres favoris… Loin d’être une prison le travail sériel est une façon d’épuiser le sujet pour dépasser le ton local, et ainsi, accéder à l’essence même du sujet et de la peinture. Martin Vivès expurge, structure, harmonise plus que jamais dans ses séries sur Latour de France. « Composition sur Latour. Arbres sur le bord de l’eau à étudier ; vert mauve des arbres se détachant sur le ponceau rouge orangé. Tout le reste droit. Autour de ce motif couleur et composition. Celui déjà peint à la lumière de face après-midi. »

Quant au ciel, à l’exception de certaines marines, l’espace que le peintre lui consacre dans ses paysages est souvent réduit, parfois absent. La ligne d’horizon est souvent composée par des collines ou les chaines montagneuses des Albères, des Pyrénées ou des Corbières. Que le ciel soit celui d’une journée radieuse ou celui d’un hiver morne, qu’il soit celui de l’aube ou du crépuscule, la palette se porte souvent vers le bleu clair ou le bleu gris. Rarement uniforme, ce bleu est souvent animé par quelques nuages, brossés en nuances de blanc crème, rose tendre ou vert turquoise. Parfois, le bleu du ciel répond à la mer ou à une rivière au bleu plus sombre et toujours animé de touche ocre, rosée, turquoise, violet, noir. En fait, il traite le ciel comme il traite la nature par touches de couleurs comme si lumière et couleurs venaient à la fois du ciel et de la terre. L’atmosphère colorée très courante dans les tableaux de Vivès n’est pas une norme, pour preuve Martin Vivès a crée de nombreuses œuvres bichromes voire quasi monochromes . Ce qui casse le déterminisme qui voudrait que « la lumière du Sud éclaircit toujours la palette des peintre » … ce serait oublier qu’un tableau n’est pas le seul fait du regard…Ces ciels réduits, riches en couleurs montrent que la lumière vient du peintre et seulement du peintre. Dans les paysages de Martin Vivès, le quotidien sans cesse recommencé, devient un objet d’art universel.

Par ailleurs, ce sont souvent les paysages ruraux voire bucoliques qui restent comme le savoir-faire de Martin Vivès pourtant les paysages urbains occupent une place très importante dans sa création. Perpignan est l’objet de toutes ses attentions, et ici aussi Martin Vivès évite l’accumulation des poncifs ( Castillet ou de Palais des Rois de Majorque). Il préfère révéler les trouvailles d’un promeneur contemplatif : la gouaille d’une place de marché, le charme d’un grand magasin, l’austérité d’une rue, l’harmonie panthéiste d’un parc, la vitalité d’une fête foraine et d’un tramway. De détours en détours, le spectateur redécouvre les Dames de France, le parc Bir Hakeim, la place des poilus, la rue Rabelais, l’allée des platanes, le tramway. Bref, le paysage urbain comme le paysage rural est celui d’un promeneur attentif qui s’attache à la banalité du quotidien pour en tirer l’essence de notre vie. Ici aussi, les rares personnages semblent écrasés, effacés, noyés, leur regard est souvent absent ou perdu, l’environnement s’impose à eux. Le passéisme n’est pas un thème cher à Martin Vivès, la modernité est partout et surtout dans son regard.

Au-delà de la dimension purement formelle le paysage occupe une place particulièrement importante dans l’œuvre de Martin Vivès car il en est son propre reflet, il en exprime plus sur le peintre que les autoportraits. Il faudrait dire qu’il en chuchote plus… En effet le paysage ne propose pas seulement une vision extatique du monde, il s’ouvre au métaphysique, suggère l’âme du peintre, le dévoile, révèle avec discrétion, pudeur, en gardant une partie de non-dit. « Je souhaite que mon œuvre soit le reflet de ma vie intérieure. »

D’abord, il y a beaucoup de foi dans les paysages. Curieusement les scènes de piété s’inscrivent souvent en extérieur, les processions mais aussi les bâtiments religieux sont très souvent traités dans leur écrin naturel. « Parviendrai-je à trouver le lien entre le temporel et le spirituel » Il lie le monde terrestre à celui du divin donnant ainsi du sens à sa composition : la verticalité et l’horizontalité suggèrent une divinité présente en toute chose et au dessus de nous. Il combine panthéisme et monothéisme, immanence et transcendance, essence et substance. Le regard extatique porté par Martin Vivès sur la nature et les hommes crée un paysage pictural mystique mais sans ostentation. Un paysage discrètement mystique. De fait, le paysage n’est pas illusion mais allusion. Toutefois, il n’y a pas que de la spiritualité, il y a aussi de l’humour, du caractère, de l’identité. Martin Vivès fait régulièrement côtoyer les couleurs sang et or et le drapeau tricolore comme un hommage à la double identité qui l’anime. « Quoique Français je n’ai à aucun moment renié mon esprit foncièrement catalan. »

Le paysage est un élément de la réflexion sur la présence et l’absence, thème que l’on peut également déceler dans ces personnages discrets traversant des paysages sublimes, en groupe ou isolés ils semblent dépouillés : regard perdu, vêtement réduit à sa plus simple expression. La nature qui les enveloppe semble leur seul salut. Le paysage de Martin Vivès réconcilie l’Homme et son environnement, comme une intuition, pour que l’enchantement demeure…

Le paysage est également une réflexion sur le statut de l’œuvre. Pour reprendre une citation du grand écrivain Michel Déon « Disparaître n’est rien, mais ne pas laisser de traces, si vaines soient-elles est une intolérable punition. » Aussi dans ses paysages Martin Vivès laisse son âme, comme un testament, comme un lien indissoluble avec ses proches. « Puissent-ils ceux que j’aime tant retrouver en voyant les œuvres l’image et l’essentiel de moi vivant. »

Les paysages Martin Vivès ne sont que peinture et c’est déjà suffisant. Ses paysages ne dénoncent, ne provoquent ni ne revendiquent. Ils ne sont pas politiques. Ils n’en manquent pas moins d’audace car l’artiste est audacieux, l’audacieux ne revendique rien il fait seulement ce qu’il a besoin de faire. En choisissant le paysage comme thème central, Martin Vivès a l’audace de s’écarter des dogmes, de suivre sa voie, de ne pas inventer mais de chercher ses solutions. Ni spectaculaire, ni provocation, ni révolution, ni transgression. Le paysage est juste le prétexte à une réflexion technique permettant au peintre de trouver son expression personnelle. Cependant, dans ses paysages, Martin Vivès ne présente pas qu’une réflexion formelle définitive, il « recommence autrement », puis, il dépasse l’exercice de style maîtrisé pour offrir une chaleur humaine. L’art pour l’art n’est rien sans dimension sensible. Les paysages ne sont donc pas qu’une expérience esthétique, plastique et chromatique, ils proposent un contenu symbolique et signifiant. Les paysages de Martin Vivès sont l’expression délicate de son être, elles sont aussi des invitations à la contemplation à la communion entre les êtres et le monde. Ses compositions ont l’élégance de la retenue. Pourtant ce n’est pas un pays-sage qui s’offre à nous mais bien une étendue extatique sans autres limites que celle donnée par celui qui s’y promène…et qui aura au détour d’une rue mystérieuse, le plaisir infini de croiser… l’âme de l’artiste.

Laetitia CANAL – COLOGNI

Martin Vivès, Hommage à Giorgione, 1969.

Martin Vivès, Hommage à Giorgione, 1969.



Giorgione, Le Concert champêtre, 1509, Louvre Paris.

Giorgione, Le Concert champêtre, 1509, Louvre Paris.








Martin Vivès, La plage de Canet.

Martin Vivès, La plage de Canet.






Martin Vivès, Le village rose.

Martin Vivès, Le village rose.







Martin Vivès, Canet Plage

Martin Vivès, Canet Plage.








Martin Vivès, La tour de France, 1987

Martin Vivès, La tour de France, 1987.



Le Greco, Vue de Tolède, 1600

Le Greco, Vue de Tolède, 1600.